Les déconfinés - épisode 1


Lundi 11 mai,

 Stéphane, directeur d'un studio de film d'animation, retrouve le studio. Il prépare cette rentrée depuis plusieurs semaines : Achat de masques, de gel hydroalcoolique, distanciation des bureaux, organisation des espace communs pour respecter la distanciation physique, information de chacun etc. Il nous raconte sa première journée de retour au studio.

Le matin

"Par rapport aux 55 jours précédents, je me suis levé plus tôt. Il fallait que je finisse les préparatifs avant l'arrivée des gens à 10h . Sur la route, très peu de circulation.  La rocade était vide. 
On avait pas mal préparé fin de semaine dernière :  j'avais envoyé à tout le monde un document écrit en équipe qui représentait toutes les règles à suivre quand ils reviendraient dans les locaux.
L'inconnu, c'était pas tellement les dispositifs, on avait le gel, des masques, on avait calculé l'espace, on avait déplacé les ordinateurs , tout ça c'était bon. L'inconnu c'était plutôt comment allaient se sentir les  personnes, et si on allait réussir à recréer un lien sympa pour recommencer à travailler.
Les salariés vont arriver progressivement durant la semaine, par groupe de 10 par demi-journée.
Nous pourrons ainsi, le producteur et moi, passer du temps avec chaque groupe dans le réfectoire afin de reprendre contact. La semaine sera consacrée à l'accueil des équipes. C'est un moment important pour reprendre contact. Il sera difficile de réaliser d'autres tâches.

On avait donné rendez vous à 10 h en  disant de respecter les horaires. Tout le monde est arrivé avec son masque sur le visage. Dans l'espace social on a pu les enlever car on se tenait à une distance importante. On m'a demandé si j'avais reconnu les personnes avec le masque. Je les ai reconnues mais il est vrai que je savais qui venait.

J'ai fait un tour de salle pour savoir comment chacun se sentait et pour détendre l'atmosphère car on sentait une petite tension.  J'étais resté en contact avec la moitié de ce groupe durant le confinement. Les autres, je les ai un peu questionné sur leur confinement. Concernant le COVID 19, personne dans les groupes d'aujourd'hui n'avait de cas dans son entourage. On a eu 2 cas au studio qui ne l'ont pas contracté au studio.

 Le producteur a expliqué qu'on avait continué à travailler  durant le confinement même si la production avait été arrêté. Il a indiqué ce qui avait avancé pendant le confinement. On a échangé sur les dispositions qu'on avait mis en place. J'ai expliqué qu'ils pouvaient donner leur avis s'ils pensaient que certaines choses pouvaient être améliorées. Ce n'était pas figé ,cela pouvait évoluer selon les retours.

Les dispositions :  les masques,  la nécessité de se laver les mains régulièrement. Si on a des symptômes, on ne vient pas travailler et on le signale. Si on se déplace on a toujours le masque. Quand on est assis à son poste de travail, on peut l'enlever.

 Il y a eu des interrogations sur les masques. Il y a des préconisations très strictes du syndicat professionnel. D'après eux, si tu l'enlèves de ton visage, tu dois ensuite le jeter. Ce qui reviendrait à utiliser environ 8 masques par jour. On a tous trouvé ça excessif. On n'a pas réussi à comprendre le problème. Il ne faut pas poser le masque n'importe ou. On a décidé de le mettre dans un sac en papier plutôt que plastique. Pour en récupérer, il faut acheter des légumes!

Il y a toujours des points d'incertitudes malgré le nombre d'informations. Il est conseillé par exemple de condamner les fontaines à eau et la machine à café. Mais on s'est organisé pour les conserver. Quand on entre dans l'espace où elles se trouvent, il faut se laver les mains avant de les utiliser. Le studio sera désinfecté 2 fois par jour, les machines à café et la fontaine à eau comprises.  

J'ai transmis par mail une feuille d'émargement afin que chacun confirme avoir assisté à cette réunion d'information. J'avais d'abord envisagé de la faire passer au moment de la réunion, puis j'ai trouvé plus prudent de la transmettre par la messagerie électronique. Il va falloir beaucoup plus envisager des documents dématérialisés. 
Nous souhaitons documenter ce que nous mettons en place.Tous ces dispositifs ont été décidés lors de discussions avec les comités COVID créés avec les cadres et les gérants de la boite. On en parle aussi avec les salariés. Mais nous souhaitons les faire valider par l'inspection du travail. C'est une demande qu'on va faire.

Pause Midi
J'avais fait un fichier pour réserver sa place au réfectoire afin qu'il y ait 12 personnes maximum en même temps. Mais aujourd'hui personne ne l'a utilisé car ils sont partis manger ailleurs ou sont restés devant leur bureau ou du moins dans l'open space. On s'est retrouvés à 3. On a mis des tables en carré pour pouvoir échanger en conservant la distance. On a partagé un poulet. C'était sympa.

Après-midi
Nous avons accueilli un autre groupe de 10. Parmi eux, un revenait de Paris où il était resté confiné. On est autorisé de se déplacer de plus de 100km si c'est pour reprendre son activité. Il nous a raconté qu'il y avait eu un contrôle à la gare de Toulouse. Il fallait un justificatif de travail ou sinon, retour sur Paris. Lui avait un contrat de travail et des mails du studio. 
Chaque équipe décidera de son créneau de pose, le quart d'heure de pose le matin et l'après-midi. Cela se fera par open space pour gérer le flux des personnes. 

On a dû changer les places de certains, changer les ordinateurs. Les équipes ont du reconfigurer leur machine. La journée a été consacré à l'information et à la remise en route. On a dû relouer certains logiciels qui n'étaient plus valides à cause du décalage de la mission.

J'ai fini la journée par un réunion en visio avec le chef informatique qui avait du rentrer chez lui pour garde d'enfant et un collègue qui est resté en télé travail.  
La désinfection se fait à partir de 18h. Tout le monde doit être parti. Cela implique que tout le monde doit être arrivé pour 10h max. On avait une flexibilité plus grande avant. Les salariés pouvaient rester le soir jusqu'à 19h.
 

Bilan de la journée
J'ai trouvé que les gens étaient plutôt contents de sortir de chez eux.  La moitié avait été en chômage partiel et était reposée pour reprendre. L'autre moitié qui avait continué à travailler était plus fatiguée. Il y a eu beaucoup de travail pendant le confinement et ensuite pour préparer le dé-confinement. Cela a demandé beaucoup d'énergie : rester informé, prendre les bonnes décisions, être toujours sur la brèche. Après ces 2 mois, on se sent un peu vidé . C'est comme quand on court et que malgré la fatigue, il faut passer la vitesse supérieure. Mais d'un autre côté, revoir des personnes re-dynamise, ça motive.
C'est vrai que ce n'est pas la vie d'avant. Au studio, on était super souple au niveau des horaires on ne va plus pouvoir l'être.  Dans le cadre du covid, il faut gérer les poses des équipes pour éviter que tout le monde circule en même temps et être plus strict sur les heures de travail. C'est un gros changement. Cela va changer la relation au temps. C'est la grosse inconnue.  Ce ne sera pas le monde d'avant. On ne retrouve pas les mêmes conditions de travail. Pour les réunions, il faudra louer des espaces plus grands. On va maintenir des personnes en télé travail.  On sera dans un monde mixte ces prochains mois avec une partie des salariés en présentiel et l'autre en télé travail, donc en visio lors des réunions."







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